En remportant à 35 ans, la présidentielle du dimanche 19 décembre dernier, avec près de 56% des voix contre 44% à son adversaire José Antonio Kast, un admirateur de la dictature d’Augusto Pinochet, soutenu par l’ensemble de la droite chilienne, le candidat de gauche Gabriel Boric devient le plus jeune président du Chili. A la veille du deuxième, personne ne misait gros sur ce jeune leader estudiantin. Jamais, depuis le retour de la démocratie au Chili, en 1990, un candidat arrivé second au premier tour n’avait finalement réussi à s’imposer. Son projet d’Etat-providence pour insuffler un changement d’ampleur dans le pays, considéré comme le laboratoire du libéralisme en Amérique latine, a fini par rallier les plus sceptiques des électeurs chiliens. Il réunit autour de lui la classe moyenne à moyenne supérieure, essentiellement, à Santiago. Le trentenaire entend promouvoir une grande réforme fiscale pour faire participer les plus riches à son programme de meilleur accès à la santé, à l’éducation et à la création d’un nouveau système de retraite, aujourd’hui, entièrement, privé. Il garantit « plus de droits sociaux tout en restant fiscalement responsables ».
La surprise
Leader étudiant, député à 27 ans, président à 35, Gabriel Boric souffle un vent de jeunesse sur la politique chilienne. Depuis les bancs de l’université de droit à Santiago, ce costaud à la barbe épaisse aspire à transformer radicalement son pays. Il créé la surprise en juillet dernier en remportant la primaire de la gauche. Avec seulement deux mandats de députés à son actif, il devient ainsi le chef de file de la coalition Apruebo Dignidad (« J’approuve la dignité »), née dans la continuité de la révolte sociale, qui a secoué le pays fin 2019. Au bout de deux mois, cette mobilisation de grande ampleur marquée par de nombreuses violences policières a contraint le président Sebastian Pinera à accepter l’idée d’un référendum pour demander au peuple chilien s’il souhaitait une nouvelle Constitution, en se débarrassant ainsi de celle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet. La réponse a été un grand « oui ». Des élections ont ensuite permis de former une Assemblée constituante qui travaille actuellement sur le nouveau texte.
Bras tatoué d’un phare éclairant une île déserte
Celui qui prendra ses fonctions le 11 mars prochain, venait de rejoindre la capitale chilienne. Originaire de l’extrême sud du Chili, de Punta Arenas, l’une des villes les plus australes du monde, considérée comme la porte de l’Antarctique, sur les rives des eaux glacées du détroit de Magellan, Gabriel Boric utilise en 2013 la maison familiale comme quartier général de campagne pour son premier combat législatif, rassemblant amis et bénévoles. Il emporte l’année suivante le siège de député de la région de Magallanes, en se présentant en tant qu’indépendant. Quatre ans plus tard, il décroche un nouveau mandat de député.
Dès son plus jeune âge, Gabriel Boric, grand lecteur, tisse un lien très fort avec ses racines à Punta Arenas, la ville qui, au début du XXème siècle, a accueilli ses aïeux migrants, croates et catalans. « Je viens du sud de la Patagonie, là où le monde commence, là où toutes les histoires et l’imagination se rejoignent, dans le détroit de Magellan, qui a inspiré tant de beaux romans », confie-t-il. L’homme au bras tatoué d’un phare éclairant une île déserte, vit en couple avec une politologue, sans enfant.