De toute l’histoire politique du Tchad, avril demeure le mois des grands bouleversements. Entre coups d’État, révoltes populaires, assassinats politiques et batailles symboliques, ce mois a concentré des événements déterminants pour le destin de la nation tchadienne. Le N’Djam Post revient sur huit moments clés, souvent dramatiques, qui ont ébranlé le Tchad.
Le 22 avril 1900, le conquérant Rabah, figure redoutée du bassin du lac Tchad, tombe sous les balles françaises lors de la bataille de Kousseri, dans l’actuel Extrême-Nord du Cameroun. Cette bataille décisive oppose les troupes françaises menées par les colonnes Gentil, Lamy et Voulet-Chanoine aux forces de Rabah. Sa mort symbolise la fin des résistances armées à la pénétration coloniale française en Afrique centrale. Kousseri est située à quelques kilomètres de N’Djaména, à l’époque nommée Fort-Lamy, en hommage au commandant Lamy, tué durant la bataille.
À Bébalem, le 16 avril 1952, dans le Logone Occidental, le sang a coulé lors d’une répression coloniale brutale. Des dizaines de Tchadiens sont tués par l’armée française pour avoir contesté les résultats entachés de fraude des élections à l’Assemblée territoriale du Tchad. Cet épisode, peu évoqué dans les manuels scolaires, témoigne de la montée des revendications politiques dans le Sud du pays, prémices des luttes indépendantistes qui s’intensifieront dans les années suivantes.
Le 21 avril 1974, c’est la prise d’otages à Bardaï : début de l’Affaire Claustre. Ce jour-là, le Commandement des Forces Armées du Nord (CCFAN), dirigé par Hissène Habré, enlève Françoise Claustre, archéologue française, son mari Pierre Claustre, ainsi qu’un médecin allemand à Bardaï, dans le massif du Tibesti. Cette prise d’otages donne une résonance internationale au conflit tchadien et révèle la profonde instabilité du pays, miné par la guerre civile. L’affaire durera plusieurs années et symbolisera l’impuissance du pouvoir central à contrôler le Nord.
Le 13 avril 1975, le président Ngarta Tombalbaye, premier chef d’État du Tchad indépendant, est assassiné par des militaires lors d’un coup d’État à N’Djaména. Son régime, jugé autoritaire et ethnocentré, était de plus en plus contesté. Sa mort marque la première transition violente du pouvoir au Tchad et ouvre la voie à une longue série d’instabilités politiques et militaires.
Un an après le coup d’État contre Tombalbaye, le général Félix Malloum, alors président, échappe de peu à une tentative d’assassinat à la place de l’Indépendance à N’Djaména le 13 avril 1976. Les tensions entre factions militaires, notamment entre le gouvernement central et les groupes rebelles du Nord, rendent le pays ingouvernable. La tentative de coup d’État du 1er avril 1977 contre Malloum confirme cette atmosphère de suspicion et de rivalités internes au sommet de l’État.
Le président Hissein Habré, au pouvoir depuis 1982, échappe à son tour à une tentative de renversement le 1er avril 1989. Cet événement survient alors que son régime est de plus en plus contesté, notamment pour ses méthodes répressives incarnées par la célèbre DDS (Direction de la Documentation et de la Sécurité). Il faudra attendre décembre 1990 pour qu’il soit finalement renversé par Idriss Deby, soutenu par des forces rebelles venues de l’Est.
Le 13 avril 2006, une coalition rebelle menée par l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) lance une attaque armée contre N’Djaména. Des combats violents ont lieu dans les rues de la capitale. L’armée parvient à repousser l’offensive, mais l’événement souligne à nouveau la fragilité du pouvoir central face aux rébellions armées venues de l’Est et du Nord du pays. Cet assaut intervient en pleine période électorale, à un mois du scrutin présidentiel.
Le 20 avril 2021, la mort d’Idriss Deby Itno, président depuis 1990 et récemment élevé au rang de maréchal, est annoncée officiellement. Il serait tombé au front, dans le Kanem, lors des combats contre les rebelles du FACT (Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad). La nouvelle provoque un choc national et international. Dans la foulée, un Conseil militaire de transition (CMT) dirigé par son fils, le général Mahamat Idriss Deby Itno, est mis en place, amorçant une nouvelle période d’incertitudes politiques.