Alors que les travailleurs en activité défilent fièrement dans les rues, banderoles en main et slogans à la bouche, une partie de la population vit cette journée dans le silence : les retraités. Loin de la scène, ils observent, parfois avec fierté, souvent avec mélancolie, cette fête qui autrefois les concernait au premier plan. Comment vivent-ils cette date emblématique ? Rencontre avec ceux dont le labeur a construit les fondations d’aujourd’hui.
Assis sur une chaise en plastique dans sa concession, Nouba, ancien fonctionnaire de l’administration publique, regarde la télévision. Le défilé des syndicats, les discours officiels… Tout lui rappelle ses années de service. « Le 1ᵉʳ mai, on se préparait comme pour une grande fête. Aujourd’hui, c’est comme si on n’existait plus », glisse-t-il d’une voix calme.
Comme lui, de nombreux retraités tchadiens disent ressentir un certain vide. Cette journée, censée honorer les travailleurs, leur rappelle surtout qu’ils ne font plus partie du mouvement. « Quand on travaille, on a une place. Quand on prend la retraite, on est vite oubliés. Pourtant, sans nous, il n’y aurait pas d’histoire à célébrer », ajoute Zara, ancienne enseignante.
Tous n’ont pas le même ressenti. Certains, au contraire, revendiquent un sentiment de fierté. « Je suis fier d’avoir servi ce pays pendant plus de trente ans. Même si je ne défile plus, je célèbre à ma manière », affirme Idriss, ex-agent de santé, qui retrouve chaque année quelques collègues pour partager un repas et des souvenirs.
Mais derrière les sourires, une pointe d’amertume demeure. La faiblesse des pensions, les retards dans les paiements, l’isolement social… Autant de réalités qui rendent cette fête moins joyeuse. « On parle des droits des travailleurs, mais les anciens travailleurs, eux, qui en parle ? », interroge Zara, les yeux embués.
La question se pose alors : la Fête du Travail est-elle aussi celle des retraités ? Pour beaucoup, une reconnaissance symbolique ne serait pas de trop. « Ce serait bien qu’on nous invite, qu’on cite notre nom, qu’on rappelle qu’on a contribué. Cela nous ferait du bien », suggère Mahamat.
Alors que le pays continue de faire face à de nombreux défis sociaux, la voix des retraités reste discrète, mais essentielle. La Fête du Travail pourrait devenir un moment de réconciliation entre générations, une occasion de transmettre la mémoire du travail et de rappeler que, même après le dernier bulletin de salaire, la dignité du travailleur reste intacte.