L’amour, la joie, l’enthousiasme sont les sentiments qui animent la plupart des familles, à la naissance d’un enfant. Souvent aussi, c’est tout l’effet contraire, surtout chez la mère. La venue d’un nouveau-né peut être source d’intenses émotions négatives dès les premiers jours. Des émotions qui se manifestent par une faible estime de soi, un manque de confiance en soi, des pleurs, une colère, un trouble de sommeil, une tristesse, pour ne citer que ceux-là.
Pour les spécialistes de la santé psychique, il s’agit de la dépression après accouchement dite « dépression post-partum » ou post natale. Pourtant, la société tchadienne en a fait une norme après chaque accouchement.
Elles sont nombreuses, ces jeunes mamans qui subissent dans le silence des situations liées à leur santé tant bien mentale que reproductive. Pendant que certaines souffrent sous le poids du regard de la société, voire du tabou qui leur est imposée, d’autres sont consumées à petit feu par ignorance. Aïda, mère pour la première fois, a traversé des moments assez difficiles après son accouchement. Elle raconte son vécu. « Je n’ai pas eu un accouchement difficile. Au contraire, tout s’est bien passé pour les premiers jours. Une semaine après la venue de mon fils, je me suis retrouvée un soir à l’hôpital de la Mère et de l’Enfant. Après quelques jours de traitement, j’ai été libérée et mis sous régime pour calcium. Mais plus les jours passaient, plus je me sentais faible et j’avais un sommeil perturbé. Il était difficile pour moi de dormir même quand l’enfant dormait. J’avais l’impression à tout moment qu’il voulait tomber ou quelque chose de mal lui arrivait. Je pouvais rester éveillée toute la nuit pour le surveiller. Je n’avais du goût pour rien. Il faut aussi savoir que l’allaitement m’épuisait tellement mais on me disait toujours c’est ce qu’il y a de mieux pour mon enfant. Lorsque je me plaignais de mon mal être, on me répétait sans cesse que je venais d’accoucher d’un garçon et que c’est tout à fait normal. Une nuit j’ai voulu mettre fin à tout ça. J’ai voulu étouffer mon enfant par mon sein et ma belle-mère m’a surprise. J’ai été beaucoup surveillée. Je n’ai jamais su ce qui m’arrivait ». Comme elle, de nombreuses mères, pour ne pas dire jeunes mères sont dans le déni de cette maladie et supportent dans le silence le poids de cette intense anxiété.
Pour le psychiatre Djimtolnan Yongar Etienne, les femmes victimes de cette dépression portent une douleur profonde et font preuve d’une perte de l’élan de vie. D’après lui, « Une consultation psychiatrique est très nécessaire pour ces femmes » car, il s’agit d’une peine. Et « une peine lorsqu’elle est partagée, elle est à moitié réduite », rassure- t-il.
Combien de femmes tchadiennes sont-elles informées de cette maladie psychique qui pourrait être fatale aussi bien pour la mère que pour l’enfant ? la réponse à cette question semble peu satisfaisante. « En tant que sage-femme, je n’ai jamais abordé ce sujet avec les patientes. J’ai déjà reçu des mères après accouchement pour des problèmes d’anémie et autres mais nous n’avons jamais pensé à une quelconque dépression », confie Demba, en pleine consultation dans un centre de santé communautaire de la place.
Dans le même sens qu’elle, Halimé renchérit : « nous sommes là pour les aider mais certaines femmes ont honte de nous parler de certaines choses. Souvent même on insiste avant qu’elles ne répondent aux questions basiques ». S’agirait-il d’une question d’éducation peut-être ? Pourtant la question de la santé reproductive de la femme est une préoccupation qui se veut d’une importance capitale. Lever le tabou sur certaines situations pour permettre aux mères de s’exprimer sera bénéfique pour plus d’un.