Une réponse d’urgence à la malnutrition lancée par MSF en septembre 2021, s’est depuis transformée en un projet à long terme pour faire face aux crises nutritionnelles récurrentes dans la région de Hadjer lamis. Les équipes de MSF soutiennent l’unité nutritionnelle thérapeutique (UNT) de l’hôpital provincial de Massakory et gèrent des unités nutritionnelles ambulatoires (UNA) en soutien à 12 centres de santé du district.
Dans une région où plusieurs autres maladies infantiles, comme la rougeole et le paludisme aggravent la malnutrition et contribuent à la morbidité et à la mortalité, des centaines de mères sont obligées de parcourir de nombreux kilomètres chaque semaine pour donner une chance de survie à leurs bébés. Depuis mai 2023, MSF rapproche la prise en charge médicale des populations avec l’approche des soins de santé communautaires intégrés + (ICCM +), gérée par les membres de la communauté sous la supervision de MSF et traitant les maladies les plus courantes et la malnutrition.
Les unités nutritionnelles ambulatoires (UNA) visent à prévenir la malnutrition chez les enfants et les mères, et à empêcher les aggravions des cas.
Chaque semaine les équipes de MSF se rendent au centre de santé de N’doukouri pour gérer l’UNA en collaboration avec le ministère de la Santé Publique et de la Prévention afin de traiter les cas de malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans. Une fois sur place, les équipes de MSF s’installent pour la journée sous un espace ombragé où elles dépistent et soignent la malnutrition, le paludisme et d’autres maladies courantes. Elles réfèrent les cas compliqués de malnutrition à l’hôpital provincial de Massakory où MSF gère une l’unité nutritionnelle thérapeutique (UNT) d’une capacité de 60 lits pendant la période de soudure. Les équipes de MSF distribuent également du savon pour l’hygiène corporelle et des moustiquaires pour prévenir le paludisme chez les enfants admis dans le programme.
Tôt le matin, environ 200 femmes se regroupent sur des nattes étalées à même le sol dans la cour du centre de santé de N’doukouri, attendant avec leurs enfants l’arrivée des équipes de MSF. Beaucoup sont déjà dans le programme de nutrition, tandis que d’autres viennent pour le dépistage de la malnutrition chez leurs enfants malade. « C’est la deuxième fois qu’il tombe malade de la malnutrition », explique timidement Mariam Abdoulkarim, qui tient délicatement son bébé dans ses bras. L’enfant avait déjà été diagnostiqué malnutri, et pris en charge par les équipes MSF il y a quelques mois. Mais ces derniers jours, il a recommencé à faire de la diarrhée et peine à respirer correctement. Il vient d’être diagnostiqué malnutri une deuxième fois. A la question de savoir pourquoi il refait la malnutrition, Zara explique : « c’est la faim, et le climat – les récoltes ne sont pas bonnes, à cause de cela il n’y a rien à manger ici et l’eau qu’on boit n’est pas bonne ». Certains enfants sont réadmis au programme dans les six semaines qui suivent leur sortie, car il est peu probable que les conditions à la maison qui ont conduit à la malnutrition aient changé.
En 2022, MSF a reçu 17 620 admissions pour malnutrition aiguë à travers les ATFC dans le district sanitaire de Massakory, et 2 062 cas dans l’UNT. A la fin du mois de juillet de cette année, les équipes de MSF ont déjà traité environ 10 200 enfants souffrant de malnutrition dans les UNA et 647 enfants dans l’UNT. « La pauvreté, les effets du changement climatique, les difficultés d’accès aux soins, les épidémies récurrentes de rougeole, les maladies infantiles (paludisme, diarrhée et pneumonie) et le manque d’accès à une eau potable de bonne qualité sont autant de raisons qui expliquent la persistance de la malnutrition aiguë dans le district sanitaire de Massakory. A ce jour, les réponses en matière de sécurité alimentaire et de nutrition restent insuffisantes dans toute la région de Hadjer Lamis ». Explique Dr Christian Mwemezi, Responsable de l’équipe médicale de MSF à Massakory.
Des soins par et pour la communauté afin de faciliter l’accès à la prise en charge médicale aux populations vivant dans des zones difficiles d’accès.
MSF a décidé de lancer des activités ICCM+, qui rapprochent les soins de santé des communautés, en traitant les maladies infantiles les plus courantes telles le paludisme, les infections respiratoires, la diarrhée aqueuse aiguë. Ce qui est unique dans l’approche de Massakory, c’est que les ICCM traitent également la malnutrition. Des agents de santé communautaires, avec le soutien technique et matériel de MSF gèrent les ICCM. Les patients dans un état critique sont référés au centre de santé le plus proche, ou à l’hôpital si nécessaire. Au cours des deux premiers mois d’ouverture, 516 enfants ont été traités dans les quatre sites ICCM+ de Massakory.
Dans le village de Karkoure situé à 20 kilomètres de la ville de Massakory, des agents de santé communautaires – choisis par la communauté elle-même et soutenus par MSF – assurent l’accès de la population aux soins de santé vitaux. « Pour me rendre au centre de santé le plus proche, attendre mon tour pour que mon bébé soit consulté, puis rentrer chez moi à pied, il me faut sacrifier une journée entière. Si je fais cela, je ne sais pas comment mes autres enfants feraient sans moi », raconte Zara Oumar, venue chercher les soins médicaux pour son bébé. Pour cette mère de famille, c’est un grand soulagement de pouvoir bénéficier des services médicaux disponibles dans son propre village.
Béchir Abdouraman est agent de santé communautaire. Une case communautaire lui sert de salle de soin où il reçoit et examine les malades. Il leur prodigue les premiers soins avec les médicaments offerts par MSF. Deux fois par semaine, une équipe de MSF se déplace à Karkoure et installe des tables de consultations devant cette case, devenue le site fixe des activités de l’ICCM. Ils prennent en charge les enfants venus de tous les villages environnants.
Pour Younous Hissen Ahmat, Chef du village de Karkoure, cette activité est une aubaine pour ses administrés. « Nous avons beaucoup de problèmes de malnutrition infantile, de paludisme et de diarrhée dans la communauté. C’est le rôle du Chef de prendre soin de sa population, alors si MSF vient nous aider dans cette tâche, nous ne pouvons qu’être très reconnaissant » se réjouit-il.
« Il existe un besoin évident de services de nutrition à Massakory, mais pour l’avenir, nous prévoyons de renforcer nos activités ICCM, ce qui, nous l’espérons, résoudra certains problèmes d’accès aux soins de santé », déclare Susanna Domeij, coordinatrice sortante du projet MSF à Massakory.
« Mais les gens ont besoin de beaucoup plus d’aide que ce que nous sommes en mesure de fournir actuellement pour lutter contre la faim et la malnutrition chez les enfants de Massakory. D’autres acteurs sont nécessaires, de toute urgence, pour soutenir les services WASH afin de réduire les diarrhées, les infections respiratoires et autres maladies évitables, mais aussi les activités génératrices de revenus pour prévenir la malnutrition en premier lieu », ajoute-t-elle.