Quand il était féticheur, persuadé que cela lui apporterait du « pouvoir », l’Ivoirien Moussa Diallo s’est régulièrement enduit d’un onguent à base de gland du clitoris d’une femme excisée réduit en poudre.
« J’ai mis ça sur mon corps et mon visage pendant trois ans » tous les trois mois environ, « j’avais trop envie d’être un grand chef », confie le quinquagénaire à l’AFP. C’était il y a une dizaine d’années, quand on le consultait comme sorcier et guérisseur autour de Touba dans le nord-ouest du pays. Ce cas n’est pas unique. Dans plusieurs régions de Côte d’Ivoire, « cet organe est utilisé pour faire des philtres d’amour, avoir de l’argent ou accéder à de hautes fonctions politiques », rapporte Labe Gneble, directeur de l’Organisation nationale pour l’enfant, la femme et la famille (Onef). Sur le marché clandestin, son prix peut dépasser le salaire minimum (75.000 francs CFA, 114 euros).
À Touba, « on entend que c’est très prisé pour des pratiques mystiques », confirme le lieutenant de police N’Guessan Yosso. Au terme d’entretiens menés auprès d’anciens féticheurs et exciseuses, chercheurs, ONG et travailleurs sociaux, l’AFP a pu établir l’existence d’un trafic de glands de clitoris de femmes excisées, transformés en poudre et vendus pour les pouvoirs qu’on leur prête.
« Pilé avec des cailloux »
Autour de Touba, à l’époque où il était féticheur, figure parfois considérée comme un médecin traditionnel, M. Diallo, était souvent sollicité par des exciseuses souhaitant être protégées des mauvais sorts. Cette mutilation génitale, le plus souvent pratiquée entre l’enfance et l’adolescence, peut être considérée par les familles comme un rite de passage à l’âge adulte ou un moyen de réprimer la sexualité d’une fille, explique l’Unicef.
Perpétuée depuis des siècles par différentes religions en Afrique de l’Ouest, elle constitue une violation des droits fondamentaux selon l’Unicef. En plus de la douleur physique et psychologique, ses conséquences sont graves, voire mortelles : stérilité, complications en couches, infections, saignements…
En pleine forêt ou dans une maison, M. Diallo accompagnait donc les exciseuses dans un lieu sacralisé pour l’occasion d’une ou plusieurs dizaines d’excisions. Proche de ces femmes, il pouvait ainsi se procurer la fameuse poudre. « Quand elles coupent le clitoris », les exciseuses « le font d’abord sécher pendant un mois ou deux » puis elles le « pilent avec des cailloux », décrit-il. Le résultat est une « poudre noire » qu’elles mélangent parfois à « des feuilles, des racines, des écorces » ou « du beurre de karité ».