Le 2 février 2008, l’ombre de la guerre s’est abattue sur la capitale tchadienne. Au petit matin, une colonne de pick-up lourdement armés surgit aux portes de N’Djamena, semant la panique dans les rues encore endormies. En quelques heures, les rebelles sont aux portes du palais présidentiel, et le sort du régime d’Idriss Déby ne tient plus qu’à un fil. Pendant trois jours, le Tchad a vacillé sous le fracas des armes, laissant planer la menace d’un renversement brutal du pouvoir.
Tout commence à l’aube du 2 février 2008. Plusieurs colonnes rebelles, composées entre autre d’éléments de l’UFDD (Union des forces pour la démocratie et le développement) de Mahamat Nouri, de l’UFDD-Fondamentale d’Abdelwahid Aboud Mackaye et du RFC (Rassemblement des forces pour le changement) de Timan Erdimi, franchissent le dernier cordon de défense gouvernemental.
La veille, le 1er février, un premier affrontement à Massaguet, à une centaine de kilomètres de la capitale, a déjà scellé le sort de l’armée gouvernementale. Les rebelles infligent une défaite cinglante aux forces loyalistes, et tuant même le chef d’état-major, le général Daoud Soumaïne. Partis de l’est du pays, ces groupes armés ont avancé en quelques jours jusqu’à la capitale, brisant une résistance militaire affaiblie et mal préparée.
L’offensive est fulgurante. Les rebelles, au nombre de plusieurs milliers, pénètrent rapidement dans les faubourgs de N’Djamena, pilonnant les positions de l’armée régulière. Les combats éclatent dans plusieurs quartiers stratégiques, notamment autour du Palais présidentiel et des quartiers environnants, seulement quelques kilomètres du cœur du pouvoir. Dans la confusion, une partie de la population fuit vers le Cameroun voisin, tandis que d’autres se terrent chez eux, à l’abri des rafales de mitrailleuses.
Idriss Déby, retranché dans son palais, refuse de fuir
Au centre de cette tempête, le président Idriss Déby Itno, vit sans doute les heures les plus critiques de son règne. Alors que les balles sifflent à quelques rues du Palais rose, sa garde prétorienne résiste tant bien que mal.
Les rumeurs courent : Déby aurait refusé l’offre d’exfiltration française. La France, qui suit la situation de près, avait proposé une évacuation via l’aéroport de N’Djamena, mais le chef d’État refuse de quitter son poste. « Je me battrai jusqu’au bout, que ce qui veulent partir partent », aurait-il confié à ses proches. Pendant que les chars et les blindés organisent la défense du palais, les forces françaises stationnées au Tchad restent en retrait, limitant leur intervention à la sécurisation de leurs ressortissants et de l’aéroport.
Les 48 heures où tout s’est joué
La capitale se transforme en champ de bataille. Le 3 février, les combats atteignent une intensité rare. Des affrontements de rue éclatent, les rebelles progressent par petits groupes, s’abritant derrière les murs éventrés des bâtiments détruits par les obus. L’ANT semble être en difficulté, mais un élément va renverser le cours des événements : l’aviation.
En milieu de journée, les hélicoptères tchadiens entrent en scène, bombardant les positions rebelles dans le centre-ville. Pris sous le feu des frappes aériennes et de l’artillerie gouvernementale, les assaillants commencent à reculer. La riposte militaire se durcit. Les rebelles subissent de lourdes pertes et peinent à maintenir leurs positions.
Le 4 février, au lever du soleil, les derniers insurgés commencent leur retraite. Leur tentative de prise de pouvoir a échoué, et ils se dispersent dans la brousse, poursuivis par l’armée tchadienne. Idriss Déby reste en place… de justesse .
Un homme fidèle à lui-même, jusqu’au bout
Là où tant d’autres auraient choisi la fuite et l’exil, le futur maréchal Idriss Déby a tenu bon. Assiégé, abandonné par une partie de son armée, encerclé par des milliers de rebelles, il a refusé l’offre d’exfiltration française et a préféré jouer son destin sur le champ de bataille. Ce refus de fuir, ce choix de tenir jusqu’au bout, a renforcé son aura de stratège militaire, un homme qui, malgré les tempêtes politiques et militaires, reste inébranlable face à l’adversité.
Cet épisode de 2008 a non seulement sauvé son régime, mais a cimenté son image de leader courageux, un soldat dont la légitimité reposait autant sur sa capacité à gouverner que sur sa volonté de mourir les armes à la main si nécessaire.
Treize ans plus tard, le 20 avril 2021, c’est encore sur le champ de bataille qu’il trouvera la mort, en affrontant une nouvelle rébellion venue du nord du pays. Fidèle à lui-même jusqu’au bout, il n’aura jamais fui.