À N’Djamena, le Projet PILIER renforce les digues invisibles contre la précarité

Ph DR

Alors que la saison des pluies approche, et avec elle la menace récurrente des inondations, un projet s’efforce, dans l’ombre, de construire non seulement des digues physiques, mais aussi des remparts sociaux. Son nom : PILIER, pour Projet Intégré pour la Lutte contre les Inondations et la Résilience Urbaine. Un acronyme discret, presque modeste, derrière lequel se déploie une ingénierie de proximité qui mérite, aujourd’hui, d’être mise en lumière.

Depuis les crues dévastatrices de 2022 et 2024, les stigmates sont encore visibles dans les quartiers périphériques de N’Djamena : ruelles transformées en marécages, centres de santé difficilement accessibles, écoles envahies par la boue, marchés paralysés. Face à cela, PILIER n’a pas choisi la grandiloquence. Il a choisi le terrain, l’urgence concrète, les partenariats agiles.

Trois ONG tchadiennes — ACRA Tchad, CLEAP, et Le Tchad d’abord — ont été mobilisées pour porter ces actions de proximité, avec des résultats tangibles :

• Des voies d’accès remblayées vers les écoles, marchés et centres de santé dans les arrondissements les plus vulnérables (Goudji, Gozator, Fondoré, Woroula, Hilé Houjadj, Taradona, Dembé, Diguel…).
• Des opérations de nettoyage, désinfection et drainage des eaux stagnantes dans les zones les plus touchées.
• La distribution de kits aux femmes commerçantes des marchés de Dembé et Taradona, comprenant des tables, parasols, et bacs à ordures, pour leur permettre de relancer une activité économique de survie dans des conditions dignes.
• Des campagnes de sensibilisation à la gestion des déchets et à la prévention des inondations dans les établissements scolaires.
• Un soutien au Centre national de traitement des fistules, dans un effort plus global d’intégration sanitaire et sociale.

Tout cela se fait sans bruit. Mais avec méthode. Et surtout avec une vision : faire de la résilience urbaine un réflexe collectif, une dynamique enracinée dans les communautés elles-mêmes, plutôt qu’un simple mot d’ordre venu d’en haut.

Financé par la Banque mondiale et mis en œuvre sous la tutelle du Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Habitat et de l’Urbanisme, le Projet PILIER n’en est encore qu’à ses premières fondations. Mais il repose sur une intuition juste : les catastrophes ne sont jamais uniquement naturelles. Elles révèlent — ou aggravent — des vulnérabilités structurelles, des oublis urbains, des poches d’abandon.

C’est donc à l’échelle du quartier, de l’école, du marché, que la lutte s’organise. Non pas dans des promesses à la télévision, mais dans le désherbage d’un canal, dans le séchage d’une ruelle, dans la reconstruction d’un lien social entre État, ONG, et citoyens.

À quelques semaines des premières pluies, N’Djamena retient son souffle. Mais certains, dans les marges, ont déjà commencé à poser les pierres d’un avenir moins fragile. Le Projet PILIER, avec ses partenaires, en est aujourd’hui l’un des architectes les plus silencieux. Et les plus essentiels.

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