Le 17 septembre dernier, la Cour d’appel de Paris a statué sur le litige opposant l’État tchadien à la société de télécommunications N-Soft, condamnant ce dernier à verser 15 000 euros, soit 9,8 millions de FCFA. Cette décision annule le verdict du tribunal de première instance de N’Djamena, qui, en avril 2023, avait rejeté une demande d’exequatur formulée par N-Soft. Cette requête était fondée sur une sentence arbitrale de la Cour commune de justice et d’arbitrage (Ccja), qui stipulait que l’État tchadien devait régler une créance de 25 millions d’euros, soit 16,39 milliards de FCFA, avec divers intérêts, rapporte le journal camerounais Ecomatin.
La CCJA, basée à Abidjan et représentant les pays membres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, avait émis sa décision le 23 mai 2022, enjoignant le Tchad à indemniser N-Soft au titre d’un protocole d’accord, et à verser des montants additionnels de 48 millions de FCFA et 36 952 euros (24,2 millions de FCFA) avec intérêts au taux légal tchadien. Malgré cela, les magistrats de N’Djamena avaient refusé de reconnaître cette décision, entraînant N-Soft à chercher des recours juridiques.
Le contexte de cette affaire remonte à un contrat signé le 11 mai 2017 entre N-Soft et le gouvernement tchadien. Ce contrat visait à assurer le contrôle des chiffres d’affaires en temps réel des opérateurs de télécommunication, permettant à l’État d’appliquer une taxe d’accise de 18% sur le chiffre d’affaires. N-Soft a respecté ses obligations contractuelles, mais la solution mise en place a été transférée à la Direction Générale des Impôts un mois après sa mise en production, ce qui a généré des tensions entre les deux parties.
À la suite de cette rupture, plusieurs échanges ont eu lieu, menant à la signature d’un protocole d’accord en juin 2020, dans lequel le Tchad s’engageait à indemniser N-Soft à hauteur de 25 millions d’euros. Cependant, cet engagement n’a jamais été honoré, poussant N-Soft à initier une procédure d’arbitrage en juin 2021. Après avoir remporté l’arbitrage, la société a constaté le refus de l’État tchadien de se conformer à la décision, et s’est donc engagée dans une opération de saisie de ses biens en Europe, notamment en France et en Suisse, suite à l’obtention d’un titre exécutoire du tribunal judiciaire de Paris.
La décision récente de la Cour d’appel de Paris, qui ordonne l’exequatur en faveur de N-Soft, ouvre la voie à la saisie des 25 millions d’euros réclamés. Fondée en 1986, N-Soft, qui se spécialise dans la télécommunication et la fourniture d’équipements aux opérateurs, est dirigée par Roger Zini.
Cette affaire soulève des questions sur la capacité de l’État tchadien à honorer ses engagements contractuels et sur les implications économiques de telles décisions judiciaires dans un contexte où la transparence et la confiance des investisseurs sont cruciales pour le développement du pays.