Depuis quelques temps, le Tchad vit une cherté de vie sans précédent. Difficile de s’approvisionner en denrées alimentaires de première nécessité, le panier de la ménagère prend un coup important. Dans cette tribune, Hisguima Dassidi Crépin, économiste de développement et doctorant en économie à l’université d’Orléans en France, propose quelques solutions à court et moyen termes pour lutter contre la cherté de la vie au Tchad. Des propositions qui visent à préserver le pouvoir d’achat de la population.
1. La mise en place d’une subvention progressive (et partielle en fonction de la situation) des produits de première nécessité tels que : le riz, le sucre, les légumes, les pâtes, l’huile, le lait, la farine de blé et le mil. Il faut ajouter à cela certains produits pharmaceutiques. Après trois mois, on peut envisager l’élargissement de la liste des produits bénéficiaires en fonction de la situation. Toutefois, il faut une évaluation pertinente de la mesure de subvention avant d’envisager cet élargissement.
2. Prendre un décret ou un arrêté pour plafonner les prix et les marges des produits de première nécessité (ci-haut) pour une période de six mois, et s’assurer de l’application effective de cet acte ; plafonner également le prix du kilo de viande.
3. Suspendre ou diminuer pour une période de 3-6 mois renouvelable, en fonction de l’évaluation de la situation, l’imposition sur l’importation de la farine, du manioc, du maïs, des pâtes, de l’huile et du riz.
4. Renforcer la surveillance du prix des produits. Pour renforcer le mécanisme de surveillance, il faut mettre en place un baromètre des prix des produits de première nécessité qui porte sur la liste de ces produits de base. La conception et le pilotage de ce baromètre doit se faire en commun accord entre les techniciens du Ministère du Commerce, les opérateurs économiques et la société civile.
5. Obliger les commerçants à afficher les prix des produits de première nécessité. Cette mesure à effet immédiat contribuera à éviter toute augmentation unilatérale du prix, déjà fixé par un décret ou un arrêté, de ces produits par les commerçants. Aider les entreprises locales œuvrant dans la production des produits de première nécessité pour leur permettre de diminuer le coût de production (énergie, etc.). Ceci va aider à réduire le prix de ces produits sur le marché local.
6. Interdire l’exportation des produits de première nécessité (manioc, sorgho, maïs, haricot, mil et riz) sur une période de six mois, renouvelable après évaluation. L’objectif est de garantir le ravitaillement du marché national. Dans le même temps, mettre les bouchés doubles pour booster la production locale des produits cités précédemment. Pour cela, il faut, en plus de la subvention des intrants agricoles, faciliter l’accès aux crédits agricoles.
7. Intensifier la communication sur les prix des produits de première nécessité. Il est question d’informer régulièrement la population sur les prix pratiqués ; prendre des dispositions pour une application effective des mesures de diminution d’imposition par les services déconcentrés de l’État concernés.
8. Faciliter l’approvisionnement des marchés locaux en produits de première nécessité, car très souvent, l’augmentation des prix est due à la difficulté d’approvisionner les marchés. Cette difficulté d’approvisionnement engendre des coûts supplémentaires qui sont ensuite répercutés sur le prix de vente.
9. À moyen et long termes, il faut subventionner les intrants agricoles et d’autres matériels contribuant à l’amélioration de la production agricole afin de booster la production locale ; maintenir le niveau de subvention actuel de l’essence et du gasoil. Le Tchad est l’un des pays qui subventionne le plus ces deux produits sur le continent.
10. Créer une réserve d’engrais agricole pour anticiper toute augmentation prochaine du prix et augmenter la subvention aux producteurs locaux de 30 %.
11. Prendre des dispositions nécessaires pour la baisse du prix des produits halieutiques. Insister sur le prix du poisson car son prix pèse dans le panier de la ménagère. Pour s’assurer de la baisse effective de son prix sur le marché, il faut prendre les dispositions nécessaires afin de diminuer efficacement tous les coûts liés à la pêche et au transport jusqu’aux différents points de vente ; suspendre ou réduire de moitié les coûts liés à la pêche et au transport.
12. L’État doit permettre aux fonctionnaires d’avoir des avances sur salaire à taux nul. Pour cela, il faut entreprendre des démarches auprès des banques locales afin de mettre en place une stratégie visant à garantir la transparence et la fiabilité du mécanisme des avances sur salaire à taux nul. Le coût de cette mesure sera supporté par l’État. Cette mesure ne doit durer que trois mois et doit être rigoureusement encadrée afin d’éviter toute situation de passager clandestin.
13. Instauration du principe de l’information préalable et de concertation, avant toute augmentation de prix des denrées. Les opérateurs économiques doivent impérativement informer l’État (le Ministère du Commerce) de toute initiative d’augmentation du prix. Veiller à ce que toute augmentation du prix des produits de première nécessité se fasse en concertation entre le gouvernement, les acteurs sociaux et les opérateurs économiques.
14. Mettre en place un mécanisme transparent qui doit contribuer à garantir la sécurité de l’approvisionnement des produits de base, améliorer la fluidité logistique sur l’axe Douala-N’Djamena ; Cotonou-N’Djamena et Maiduguri-N’Djaména. Démanteler toutes les barrières ou barrages routiers illégaux, car très souvent, ce sont des points d’arnaques d’opérateurs économiques. Ces derniers répercutent cette charge supplémentaire sur le prix de vente, donc sur le consommateur.
15. Sur le plan institutionnel, il faut mettre en place une coordination des actions de lutte contre la vie chère. Cette coordination peut, par exemple, être sous l’égide de la Primature. Elle pourrait avoir comme membre : Les représentants du Ministère du Commerce, les conseillers du Président de la République et du Premier Ministre chargé du Commerce et de l’économie, les opérateurs économiques, les FDS et la société civile.
La mise en place effective de ces mesures entraînera une baisse des recettes de l’État. Pour compenser cette baisse, il faut élargir l’assiette fiscale dans le secteur de la télécommunication, le domaine, le cadastre ; prendre des dispositions pour réduire au maximum les exonérations fiscales. Pour cela, il faut viser les bénéficiaires des exonérations qui ne respectent pas leurs cahiers de charges avec l’État.